1.3.16

Samedi dernier

Samedi dernier, je me suis réveillé en retard, Noemi avait vomi toute la nuit, un truc qu’elle a du chopé de son frère qui nous a fait la même chose la semaine d’avant, et avec le boulot qui me fait dormir à pas d’heure la nuit a donc été dure et courte. Le passage de grade commençait à 9 h et il était 8 h 20 quand je suis parti de la maison. Direction le Budokan de Takamatsu. J’arrive à 9 h moins 10, personne. Les parkings vides. Petite inquiétude, puis je me dis que le passage de grade doit avoir lieu au centre sportif municipal. J’embraye et quelques minutes après j’arrive devant l’immense bâtiment. Aucun hakama, seulement des groupes habillés en tenue sportive…


J’avais pourtant envoyé un mail hier soir à mon collègue pour vérifier le tarif du grade et l’heure. Je réalisais maintenant que j’avais oublié de confirmer le lieu… Je me dirige vers un kombini, j’achète une carte de téléphone et je demande où se trouve la cabine la plus proche. La vendeuse me propose à la place d’utiliser le téléphone de la boutique. J’appelle à la maison. Après vérifications sur le web, Noriko me confirme que c’est bien le centre sportif municipal. Je me dépêche d’y retourner et de trouver une place de parking pas trop loin, un truc privé, mais on est le week-end donc ça passera.


Forcément, la cérémonie d’ouverture est finie, et j’ai le droit à plusieurs remarques dans le hall : « Ah Helary ! T’es en retard ! » « Oui, oui, je sais, ohayo, désolé… » « Helary, t’es à la bourre ? » « Oui, je me suis pas réveillé, sumimasen… » J’arrive enfin à l’inscription, le prof me regarde genre « Helary, t’abuses pas un peu ? » Je m’incline à plusieurs reprises pour lui indiquer ma plus grande contrition et il accepte de mettre un rond à côté de mon nom.


Il y a un paquet de shodan qui commencent bientôt. Avec un peu de chance, les 4e dan passeront vers onze heures. Ça laisse du temps pour s’échauffer, pour revoir les katas, pour réviser l’examen écrit et pour papoter. Le passage se déroule dans la seconde salle du rez-de-chaussée, mais on a un espace kendo à l’étage. Je ne trouve pas mon collègue, mais des amis d’un autre dojo où je m’entraîne. Aujourd’hui ils présentent un 3e, un 4e et un 5e. On s’entraîne tous ensembles, légère tension. On se fait un ou deux kirikaeshi, des mens, kote-men, oojiwaza, en faisant bien attention à la posture, au kiai et tout le tralala.


Ils ont l’air légèrement stressés. Moi j’étais parti pour un petit entraînement d’une bonne demi-heure, mais au bout de 15 minutes tout est bouclé. Un peu sur ma faim, je trouve un groupe de jeunes femmes qui ont un 4 au tare et qui s’apprêtent à faire les katas. Ça tombe bien parce que le kodachi quand on est gaucher c’est moyen. Elles sont 3 donc je leur propose de travailler ensemble. Bonne ambiance, on se plante à tour de rôle, heureusement qu’un vétéran est là pour nous montrer la voie.


Je me sens bien aujourd’hui. J’ai repris le kendō l’an dernier en janvier après 3 ans d’absence, mais 3 ans qui se trouvaient dans une période de 12 ans de pratique en dents de scie, depuis que j’avais eu mon 3e dan de manière un peu limite. Je m’étais promis de présenter le 4e dan en février 2016 et donc m’y voilà. La reprise n’a pas été facile. Après trois ans de légère dépression, le corps ne fonctionne plus pareil. Le mois de janvier dernier était terrible. Un entraînement d’une heure chaque mercredi soir, des douleurs dans tout le corps tout le jeudi. En plus de ça j’ai attrapé une sinusite, et en février, un streptocoque. Presque deux mois sous antibiotiques.


En mars je me lance pour un autre entraînement, dans un autre dojo. Je profite de mon permis de conduire nouvellement acquis : 35 min dans la campagne japonaise avant d’arriver, début après 21 h, fin un poil après 22 h. Après un mois, je demande l’autorisation de pratiquer aussi le vendredi. Accordé. Et puis pour faire bonne mesure, je me loue une salle le mardi matin pour me remettre aux bases. Travail au bokuto, avec des grands débutants. Le printemps passe, l’été arrive et je me blesse au poignet droit avec le kensen du shinai d’un partenaire qui me rentre dans l’articulation… Deux semaines après, je me crois guéri et rebelote, au même endroit. Je suis obligé d’arrêter, jusqu’à l’automne, et je reprends tranquillement en novembre.


Pendant tous ces mois, j’ai progressé. J’ai retrouvé les bases, j’ai découvert des choses, mais ce qui m’a le plus aidé c’est le stage qu’on a le mois dernier. Quand je dis stage, ça n’a pas grand-chose à voir avec ce qu’on a en France ou ailleurs. La matinée c’est passée à faire les katas, mais le prof (8e dan de la police) était tellement occupé à nous améliorer sur les 7 premiers qu’on a passé les 3 au kodachi en 20 minutes… Et l’après-midi c’était une simulation de passage de grade. Bien sûr on est au Japon donc pas de chauffage dans la salle, et on se pèle en attendant son tour. En tout, 2 minutes, puis 1 minute de commentaires des trois 8e dan qui nous ont « jugés ». Et jigeiko de 1 minute avec 2 profs pour boucler l’histoire. Pour moi le commentaire sur mon passage a été ce qui a tout changé. 


Je savais bien que j’avais le bras gauche dur et raide. Mais quand Kuwahara Sensei m’a fait la remarque, il me l’a dit d’une manière qui est restée. Entre le stage et le passage de grade, il n’y a eu qu’un mois. Et avec le travail je n’ai pu m’entraîner que trois-quatre fois, dont mes mardis matins… Samedi j’étais content. J’étais avec mes amis, je m’en suis fait d’autres. J’étais concentré. Le premier tachiai s’est passé en douceur. Posture sans faille, bonne garde, bon kiai, bonnes opportunités. Le second, j’étais plus hésitant. Peut-être fatigué. Malgré le doute, j’apprends à 12 h 30 que je passe. Il reste l’examen écrit (剣道の理念について et 剣道の修練の心構えについて), et les katas.


Mon partenaire pour les katas se déclare de lui-même. Moi j’étais un peu dans la lune. Un monsieur sympa. On a travaillé ensemble pendant une petite demi-heure, et puis on a attendu en papotant. Notre groupe était le dernier à passer. On était tous les deux concentrés, du kiai, les yeux dans les yeux (sauf pendant un instant au 7e…) Et puis tout est allé très vite. La cérémonie de fin de passage, le paiement des droits, les salutations à droite et à gauche. Je retrouve un ami qui habite près de chez moi. On décide d’aller se faire le nouveau hamburger aux pommes de terre de Hokkaido au Mac'Do d’Enza. Et puis c’est le retour à la maison et Noriko qui me dit : « Pas mal, je ne pensais pas que tu l’aurais, vu comment tu t’es entraîné… »




Hier soir c’était mon premier entraînement après le passage. On était 5 dont un garçon de 11 ans. J’ai réalisé que ce samedi avait été spécial. On a cet objectif en tête, et dans le corps, et tout se focalise pour y arriver. Une fois l’épreuve passée, le ballon se dégonfle un peu, et il faut se remettre à bosser, pour faire que ce qu’on croyait acquis le soit vraiment, et pour se préparer petit à petit au prochain passage, dans 4 ans. Je sais ce que je dois bosser : mes jambes, et mes bras. Vaste programme !

14.9.15

Un lundi matin comme un autre

Pendant des années, le lundi matin était synonyme de « aller donner mes cours de français au centre culturel de la NHK et revenir en début d’après-midi épuisé ». Surtout ces derniers mois où la routine était devenue 3 cours de 1 h 20 avec 5 minutes de pause, le train au retour puis 35 minutes de marche avant d’arriver à la maison un peu avant 15 h, le ventre vide. 


J’ai démissionné fin juin. La paie était de plus en plus mauvaise et le fossé entre les enseignants et le secrétariat de plus en plus béant, je ne voyais plus bien de quoi justifier ces lundis matins au radar. 


Depuis le premier lundi de juillet c’est le paradis. Et mes lundis matins ont retrouvé leur fonction d’origine : se préparer tranquillement pour que le reste de la semaine se déroule sans accrocs… Avec une saine modification d’emploi du temps depuis le début août puisque pour pallier à une activité essentiellement sédentaire, le cul sur une chaise à tapoter sur l’ordinateur du matin au soir, j’ai trouvé un champ à cultiver sur Ogijima, à 40 min de ferry de la gare de Takamatsu. Ironie suprême, le train que je prenais pour aller me torturer au centre culturel est le même que celui que je prends pour arriver au port à l’heure (je n’ai pas encore essayé le ferry de 8 h, mais c’est prévu). 


Aujourd’hui, pas d’Ogi. Je donne une « conférence » en ville, et j’ai donc fait ma séance bêche-binette vendredi après-midi. 


Ce matin, j’ai bouclé deux trucs qui ne me serviront probablement pas souvent, mais on ne sait jamais. 


1) J’ai amélioré le mini-script qui lance emacs en mode serveur après le relancement de la machine. « Quid ? » vont dire les bien-pensants. 


Ben oui, je suis coupable de trouver du plaisir à bricoler dans emacs. Cette année j’ai même décidé de relancer le projet de traduction de la documentation et d’apprendre à utiliser emacs-lisp. 


Donc, comme Emacs prend trois plombes pour démarrer dans Terminal (à comparer avec le lancement dans XQuartz, mais XQuartz demande des paramètres bizarres pour la saisie des caractères accentués et du Japonais à partir du clavier Mac donc j’ai abandonné), j’ai décidé de l’utiliser en mode serveur. 


En gros, je demande dans les préférences utilisateur système de lancer un script de deux lignes qui lance Emacs en serveur et lance un client sans fichier spécifié : 


#!/bin/bash
/usr/local/bin/emacs --daemon 
emacsclient -t 


Et hop. C’est bouclé. La seule complication c’est que je ne savais pas qu’OSX associait par défaut les fichiers .sh à Xcode et donc à chaque relance du système j’avais Xcode qui s’ouvrait pour éditer mon script au lieu de voir le script s’exécuter dans Terminal (même après avoir fait un chmod +x…) Donc, autre hop s’il en faut, un Cmd+I dans Finder pour associer tous les fichiers .sh à Terminal et j’étais prêt. 


2) J’ai réussi à lancer NetBeans sur ce compte. Ce qui n’était pas une mince affaire puisque pour des raisons qui m’échappaient, j’avais un problème avec la demi-douzaine de versions différentes de Java installée sur ma machine… 


Ce matin, j’ai vérifié sur un compte « neuf » que NetBeans se lançait bien, puis je suis revenu sur mon compte principal, j’ai confirmé que NetBeans ne se lançait pas… Zut me dis-je, mais ne baissons pas les bras. Clic-droit sur la bête, recherche de l’exécutable, lancement avec Cmd+O, et à ma grande surprise il se lance. Une fois tout affiché, le ferme, et pour voir si c’est le paquet .app qui a un problème je re-double-clique sur NetBeans.app. Surprise, le refus antérieur semble n’avoir été qu’une crise passagère, NetBeans se lance normalement et je vais donc pouvoir recommencer à prétendre que je peux programmer en Java pour modifier OmegaT… 


Sur ces petites victoires, j’ai continué la journée avec ladite conférence et après avoir bidouillé trois bricoles sur Calendar je m’en vais considérer la mise en place d’un système GTD avec org-mode histoire de justifier la mise en place de emacs-server…

17.3.15

Quand je serai grand, je serai 7e dan

J’ai fait tous mes calculs. 


Si je travaille sérieusement et que tout se passe comme prévu, 

j’aurai mon 4e dan en février 2016 

j’aurai mon 5e dan en février 2020 

j’aurai mon 6e dan en février 2025 

j’aurai mon 7e dan en février 2031 


Suite à ma dernière lettre (appelons ça des lettres), j’ai fait une rapide estimation de ce que représentent 10 000 pas par jour. 


De chez moi à l’agence de la banque 114 la plus proche, il me faut 2 500 pas, à 100 pas la minute (je marche assez rapidement). Google Maps me donne 3 km de distance. Un aller-retour me permet de marcher 5 000 pas. Mais je ne vais pas aller à la banque 2 fois par jour juste pour remplir mon quota de pas marchés, donc il va me falloir une autre destination. 


De chez moi à la gare de Hashioka il me faut environ 35 minutes. Ça fait donc 7 000 pas par jour si je prends le train tous les jours pour aller en ville. Quand je suis en ville, je marche aussi, mais pas aussi vite, donc ça compte moins. Et puis j’ai mon sac à l’épaule, avec l’ordinateur dedans, donc ça déforme la marche et ça ne peut pas m’aider à travailler ma posture et mon ashi-sabaki sur le plancher. Donc il me faudra aussi changer de sac. Un sac à dos pour répartir le poids ? 


Et puis, les pieds, et les chaussures aussi. Les pumas que j’ai en ce moment commencent à me faire mal au petit orteil droit au bout de 4 000 pas. Aller plus loin que ça c’est risquer l’ampoule. Alors il me faut une autre paire, mais une paire tout aussi légère et souple où je sente bien la plante des pieds travailler et les orteils s’enfoncer dans le sol à chaque départ. À voir donc. 


Et que faire les jours où je ne vais pas en ville ? Mon tour dans la campagne me fait marcher environ 90 minutes. Je pars de chez moi vers le sud, direction le magasin de Toyota sur la route 32, puis je bifurque sur une petite route parallèle à la nationale pour ne pas avoir tous les gaz d’échappement dans le nez, je bifurque encore pour passer à côté du centre sportif de Ayagawa. De là, je continue tout droit pendant un bout puis je tourne encore à droite. L’idée étant de contourner la montagne Hi-no-Yama pour retomber sur le centre sportif B&G et rentrer à la maison. 


Une fois, j’ai raté le virage de la Hi-no-Yama et j’ai aussi dû contourner la Washi-no-Yama. Ça m’a fait rentrer après 2 heures et demie de marche, en passant par Sakaide. C’était moyennement fun. Au nord de tout ça, il y a Goshikidai. Faire le tour de Goshikidai ça prendrait bien une journée entière. C’est une randonnée, plus une promenade. Mais ça doit être joli aussi parce que le bord de mer du côté de Ogoshi-cho est agréable. Il y a la mer, la route et la montagne. C’est tout. 


En tout cas, j’ai fait 5 000 pas aujourd’hui. Il est bientôt cinq heures et je n’ai pas commencé ma traduction. 9 000 caractères à rendre demain. Pas le temps de faire les 5 000 pas restants aujourd’hui… On verra demain.

27.2.15

L'arbre

Je ne sais pas combien j’ai passé d’années loin des parquets. Je ne veux pas compter parce que c’est déprimant. Il y a deux ans, lors de la soirée de fin d’année de l’amicale dans laquelle je pratique, il était question de termes qui définissaient pour nous le kendo. Je ne sais pas exactement ce qui c’est passé, mais au final, mes camarades se demandèrent pourquoi je n’avais pas choisi le terme « kizuna » () qui veut dire « lien » comme dans « liens d’amitié », « liens familiaux » et je me revois encore à me demander devant eux pourquoi je n’avais pas pensé à ce terme… Et pourtant… 


C’était il y a deux ans, ou un peu plus. Depuis il s’est passé des choses. En août dernier, Patrick est venu au Japon. Patrick c’est celui qui m’a initié au Kendo, avec Didier, à Jussieu, à la fin des années 80. On s’était croisé aux 20 ans du Kenyu. L’anniversaire avait été pour moi une bonne occasion de passer une semaine en France, et même si je n’ai jamais été membre du club, en tant que pratiquant à Jussieu on y avait quand même tous nos amis, et nos profs aussi. Ça faisait donc un bail que je n’avais pas vu Patrick. On a passé un bout de la journée à Naoshima, et puis on est revenu à Kokubunji, on a passé la soirée ensemble et on s’est quitté le lendemain matin. On a eu le temps de parler de kendo bien sûr, et d’autres choses aussi. 


Et puis il y a Laurent, mon sempai de Jussieu, mon cher Laurent, mon grand frère et mon ami, qu’on passait des après-midi dans le 13e à écouter du hard et à parler de SF, et des chevaliers de la Table Ronde, et à dire des conneries sur le reste du monde. Et le soir, avant de rentrer, comme sa grand-mère qui ne parlait que le pékinois savait pourquoi j’étais maigre comme un clou, j’avais le droit à un repas chinois maison. Laurent, il a été à une heure d’ici, en avion et en décalage horaire, pendant quelques années. On se téléphonait souvent sans craindre de réveiller l’autre et comme quand on était à Paris on passait des heures au téléphone. C’est plus cher entre Takamatsu et Shanghai qu’entre le 13e et la banlieue sud-est, mais c’est pas grave, tant qu’on se marrait. Laurent est reparti en France et il a repris l’entraînement, et puis il a toujours un pet de travers, quand il ne s’explose pas le pied, c’est le petit doigt qui prend un coup. C’est un brutal Laurent, mais tout le monde l’aime comme ça. 


Avant et après le séjour de Patrick, on a parlé. Et ça m’a rappelé cette photo qu’on avait de nous trois quelque part autour de Saint-Malo, la seule année où j’avais participé parce qu’autrement je n’avais pas un rond et ce n’était pas facile de payer pour le kendo quand on est étudiant fauché. 


Il y a eu d’autres histoires, et puis maintenant qu’on a Facebook tout est plus facile. On voit les photos, et les commentaires, et on rigole des anecdotes. Et on retrouve des noms connus, des visages. Mais on sait qu’ils sont loin, que c’est plus pareil. 


Il y aura les championnats du monde en mai à Tokyo. En 85 je n’avais pas encore commencé, et en 94, je devais bosser. Cette année, c’est promis, je prends 3 jours, je laisse les enfants avec ma moitié et je vais les voir. Et il y aura l’équipe de France. En regardant leurs noms l’autre jour, j’ai réalisé que je n’y connaissais personne. Il n’y a que le nom « Soulas » qui me rappelle quelque chose et encore, c’est vraisemblablement le père de la dame, M. Soulas qui était déjà haut gradé alors. En tout cas, respect. Ils sont tous jeunes et fringants, et pleins d’énergie, et c’est vrai qu’un championnat du monde au Japon c’est pas rien. C’est le Nippon Budokan, c’est pas un gymnase en banlieue. C’est magique. Et même pour ceux qui sont dans les gradins. Mais j’ai été surpris quand j’ai vérifié s’il y restait des tickets. Les deux premiers jours ont encore plein de sièges vacants au premier niveau alors que le dernier jour (finale équipe hommes) est déjà plein depuis un bout. Il ne reste de places qu’au troisième niveau. C’est dommage pour le kendo féminin je trouve, mais bon, moi je prendrais un ticket pour les trois jours de toute manière. Et j’espère que je croiserai des gens sympas dans les gradins. 


Avec toute cette euphorie de début d’année, je m’étais donc dit que j’allais enfin reprendre. Mais pas reprendre à moitié, vraiment reprendre. Pour passer un grade, pour faire les compètes locales, pour retrouver les amis, pour m’amuser quoi. J’ai donc refourbi mon équipement, vérifié que j’avais encore au moins un shinai en état de marche (j’en avais deux !) et hop, avec mon permis de conduire nouvellement acquis fin septembre j’allais en surprendre quelques-uns. Ça n’a pas manqué et on m’a même félicité pour ma pêche en me demandant si je ne m’entraînais pas déjà ailleurs. Mais non, mais non, c’est bien la première fois que je mets les pieds sur le parquet depuis quelque temps et si j’ai la pêche c’est parce que bosser sur son portable en restant au lit ça ne consomme pas beaucoup d’énergie monsieur ! La pêche, mais j’ai quand même mal partout. Et une heure pas semaine, ça laisse sur sa faim. 


Et hop. Il y a tout juste un mois, je découvrais un livre de kendo apparemment intéressant à la bibliothèque : Le kendo, une redécouverte (剣道 再発見). Pas trop de photos, beaucoup de texte, j’embarque. Je le laisse réchauffer jusqu’au lendemain matin et là, alors que je m’apprêtais à prendre mon petit déjeuner, je m’exclame devant ma moitié confuse : « Mais bon sang ! C’est monsieur Yoshimura ! » (ça ne fait pas le même effet en langue locale, mais c’était l’idée). Effectivement, parmi les photos que j’avais tout juste survolées la veille, il y avait bien M. Yoshimura en page 43 qui regardait le lecteur tout en étant en chudan pour illustrer la partie dans laquelle il parlait de l’importance de la garde. 


Il se trouve que 2 ou 3 jours auparavant j’avais trouvé (cherché ?) sur le net des papiers sur l’histoire du kendo en France et que j’avais trouvé un truc qui donnait un historique jusqu’au début des années 90. C’était curieux de lire ça en se disant que quand j’ai commencé (88 ?) le kendo français n’avais somme toute pas une si longue histoire que ça. La plupart des gens qui avaient fait cette histoire étaient déjà des légendes pour les débutants que nous étions alors et c’était merveilleux de pouvoir les reconnaître dans un stage ou même d’avoir l’honneur de recevoir de leur part un commentaire à la fin d’un keiko. J’avais donc cette lecture fraîche à l’esprit quand j’ai attaqué le livre de M. Yoshimura. Et là, rebelote, la première partie décrivait son arrivée en France et non seulement les difficultés des débuts du kendo français, mais aussi ses hésitations en tant que pratiquant qui n’avait pas à sa disposition l’environnement adéquat pour progresser. On sait tous que malgré ceci M. Yoshimura a atteint le sommet du kendo avec un 8e dan et ça ne nous (me) laisse donc aucune excuse valable pour ne pas persévérer. 


C’est le lendemain que j’ai appris que M. Hamot était décédé. Pour moi, M. Hamot c’était le livre rouge chez Budoscope (je l’ai toujours avec moi ici), c’était les commentaires sur « Les 7 Samouraïs » lors des stages d’enseignements (j’ai dû participer à un ou deux de ces stages à l’époque, histoire d’avoir les compétences pour assister Son qui avait alors remplacé Patrick et Didier à Jussieu), et puis c’est un « M. Helary, c’est ça qu’on vous a appris au Japon ? » cinglant après un hayasuburi nul au Cepesja, de retour de mon premier séjour ici. Les boules quoi. À côté de chez moi, il y avait le club de Maisons-Alfort, où Éric Hamot était enseignant, et il avait eu la gentillesse d’accepter que je m’entraîne de temps en temps avec eux, gratuitement. Alors pour moi, la famille Hamot, c’était des princes, des gens pour lesquels on sait qu’on n’aura jamais assez de mots pour dire merci. 


Pour finir cette saga qui somme toute ne fait que commencer, quelques jours après je me trouvais à la librairie du coin avec du temps à perdre et je me mis donc à feuilleter le dernier numéro de Kendo Jidai. Le numéro était intéressant, il y avait un petit commentaire des personnes qui avait réussi le 8e dan et parmi ceux-là, un avait particulièrement attiré mon attention. Il s’agissait d’un monsieur de Kyushu qui avait fait du kendo de l’école primaire au lycée et qui avait ensuite arrêté pendant 20 ans. Mais vraiment arrêté. Rien, pas un suburi. 20 ans après, ses enfants commencent et il s’y remet donc, mais une fois par semaine, au maximum parce qu’il bosse comme un japonais, forcément, donc même des fois c’était moins que ça. Mais il ne baisse pas les bras, et puis comme il ne peut pas s’entraîner autant qu’il veut, il se débrouille, et comme il le dit si bien, à la campagne on prend la voiture tellement souvent qu’on n’utilise plus ses jambes, alors pour compenser il décide de marcher 10 000 pas par jour, sur le chemin du travail, etc. 10 000 pas. Par jour. Et ce ne sont pas 10 000 pas juste pour flâner, mais en se disant que chaque pas va compter pour son kendo, que chaque pas le rapproche de l’entraînement. C’est ses jambes, mais c’est aussi son esprit qui est dans ces pas. 10 000, tous les jours, pendant des années. Maintenant que j’y pense, ça me rappelle un prof de droit à la fac ici qui disait aux étudiants en première année : vous avez les codes. Des milliers de pages. Lisez-en une par jour. Ça va être pénible et vous ne comprendrez rien au début. Mais après quatre ans de fac, il y aura ceux qui auront lu 1500 pages de droit et qui sauront de quoi ils parlent, et ceux qui n’auront pas fait cet effort. Dans le même numéro de Kendo Jidai il y avait aussi un récapitulatif des derniers passages de grades 6e et 7e, et des examens Renshi, etc. Et pof, pour bien enfoncer le clou, dans la catégorie Renshi je retrouve François qui avait commencé tout juste un peu après moi à Jussieu… 


Le kendoka c’est un arbre. Il a des racines. Il a un tronc, et il a des branches et des feuilles. Les racines, c’est son passé. C’est les anciens profs, les amis qu’on ne voit plus, ou moins, les mots qui nous ont touchés, les regards, les victoires ou les échecs, ce dont on se souvient. Le tronc c’est maintenant, il est fort, droit, ou il est malade, tordu, faible, mais il est là, et tant qu’il vit il peut se redresser. Et les branches et les feuilles, c’est maintenant, c’est la lumière que les autres nous donnent pour pousser, pour aller un peu plus haut, pour aller un peu plus loin. Et c’est beau un arbre.

15.2.15

5 ans, 3 mois et 27 jours plus tard

Yuto a eu 10 ans mercredi dernier, Noemi 7 ans en octobre, Kento 19 en novembre, moi 45 quelques jours après et Noriko 46 le mois suivant.


J’ai repris l’entraînement en janvier après 3 ans de vide presque total, et cet après-midi a eu lieu le premier stage de kata auquel j’ai participé depuis des années…